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Crédit : Mikaela Shannon/Unsplash |
Vous me pardonnerez la direction un peu plus politique qu’à l’habitude dans ce billet. Je voulais d’abord uniquement en faire une tirade sur un statut Facebook, mais je suis tellement irritée par la situation que je trouvais plus approprié d’en parler plus en profondeur sur le blog.
Hier, dans la législation de l’Angleterre et du Pays de Galles, on apprenait qu’il allait maintenant être permis de demander aux victimes de crime - donc les plaignants - de fouiller tout matériel électronique (téléphone, tablette, ordinateur, etc.) leur appartenant. Cette nouvelle loi s’appliquera à tous les types de crime, mais touchera plus précisément les victimes d’agression sexuelle.
Concrètement, qu'est-ce que ça signifie?
Lorsqu’une victime portera plainte, les policiers pourront lui demander qu’elle leur remettre son téléphone afin qu’ils puissent rechercher des preuves incriminantes, du genre « Oh mademoiselle, vous semblez avoir flirté avec l’accusé dans les jours précédant le crime, êtes-vous bien certaine que vous n’étiez pas consentante? ».
Évidemment, la victime aura toujours la possibilité de refuser de donner accès à son téléphone (fiou), mais dans ces cas, il est fort probable qu’il soit « impossible de continuer l’enquête ou la poursuite ». En gros, donne-nous ton téléphone, sinon on arrête tout et on ne t’aide pas à obtenir justice.
Ok, mais c’est quoi le problème?
Il y en a plusieurs.
1. Vous savez tous comme moi que toute notre vie se trouve dans notre téléphone. Des textos aux photos, aux DM sur Instagram, aux mémos écrits dans Notes et à notre calendrier menstruel. Effectuer une fouille de tout ce qui se trouve sur son téléphone, c’est un peu comme une « fouille à nu » (digital strip-search). La victime est déjà fragilisée par ce qu’elle a subit et la décision de porter plainte, et voilà que le système en rajoute en lui envoyant le message qu’on ne la croit pas totalement, sans oublier le sentiment d’humiliation à l’idée que sa vie numérique sera passée au peigne fin par des inconnus.
2. Exiger que la plaignante donne accès à tout le contenu de son téléphone ou son ordinateur s’inscrit directement dans la culture du victim blaming. Les policiers vont fouiller le matériel de la victime pour voir si elle n’a pas eu de contact avec l’accusé ou si elle a semblé apprécier l’accusé à un moment ou à un autre, ce qui pourrait en définitive discréditer son témoignage.
3. De plus, la presque certitude que les policiers ne poursuivront pas l’enquête si la victime refuse de donner accès à ses appareils électroniques, c’est mettre celle-ci au pied du mur en lui donnant le choix entre son intimité ou la justice.
D’où ça sort?
Plusieurs procédures judiciaires ont été annulées car des preuves incriminantes (comme par exemple, des disques durs) n’auraient pas été fournies en cour. Le cas vedette qui aurait mené à cette nouvelle loi est celui de Liam Allan, qui aurait été faussement accusé de viol et dont les chefs d’accusation ont été abandonnés suite au dévoilement tardif de textos venant de la plaignante et indiquant qu’elle était parfaitement consentante. Suite à cette erreur, la Metropolitain Police s’est officiellement excusée envers M. Allan. Une simple recherche de son nom sur Google vous montrera également à quel point les autorités, les médias et le public compatissent avec le garçon qui a vécu dans la peur et l’angoisse durant presque deux années.
Ce que je déplore, ce n’est pas l’empathie de la population envers Liam Allan (si en effet, il a été victime d’un coup monté, il mérite que justice soit rétablie), c’est l’empressement avec lequel tout le monde semble compatir avec ce pauvre garçon alors que ça ne semble pas aussi facile avec les femmes qui sont victimes. Combien de fois doutons-nous d’une femme qui accuse un homme de viol (multipliez votre réponse par 239 si on parle d’un homme connu)? Combien d’agressions sexuelles sont dénoncées? Et de celles-ci, combien sont-elles porté en justice? Et par la suite, combien d’entre elles débouchent à une condamnation?
En Angleterre et au Pays de Galles, on rapporte qu’au moins 1,1 million de femmes auraient été agressées dans leur vie et 144 000 entre mars 2016 et mars 2017. Cependant, durant cette même période, 5 118 hommes auraient été accusés et de ce nombre, seulement 2 991 ont été condamnés. On estimerait (et je pèse sur le mot estimer car c’est impossible d’avoir une statistique réelle) qu’un cas sur 162 serait une fausse accusation, ce qui fait que celles-ci représentent un maigre 0,62%.
J’aurais aimé voir la justice se soucier autant du sort des innombrables femmes réellement victimes d’agression qu’elle se soucie du sort des quelques hommes faussement accusés.
J’ai le goût de flipper des tables.
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